Le blog du Manager commercial

La puissance en négociation : éviter le fantasme de l’autre

Dans le Livre blanc sur la Négociation commerciale, nous avons mis en évidence combien la négociation est un acte commercial à part entière, distinct de la vente, et qui requiert de la préparation, de la méthode. Et nous avons aussi évoqué l’importance de la relation à l’autre, comme une des conditions de la réussite. Depuis, de nombreux commerciaux m’ont interpellée sur cette question : « La puissance en négociation est-elle avant tout affaire de technique ou affaire de relation ? ».

 

La puissance en négociation est-elle avant tout affaire de technique ou affaire de relation ?

Voilà ce qu’ils me disent, par exemple : « très souvent, tout le monde me reconnait un savoir-faire indéniable en négociation… et pourtant, moi je constate qu’avec certains clients ou dans certaines situations, ça ne marche pas aussi bien que je le souhaiterais et je n’arrive pas à mes fins ». Ou bien : « Je ne comprends pas, j’avais tout préparé, ma tactique était très claire, j’avais tenu compte de ce que pouvait me demander l’autre, c’était comme une partition écrite à l’avance et que je connaissais par coeur… mais dès le début, le client a attaqué sur un terrain que je n’avais pas anticipé et je n’ai jamais pu reprendre la maitrise de la négociation. »

Je pourrais vous identifier moult raisons pourquoi ça ne marche pas : à cause du contexte, à cause des conditions, à cause des concurrents…. bref, à cause de l’autre !

C’est exactement ce qu’Etienne Basse, Manager chez Cegos qui coache régulièrement des directeurs commerciaux et des KAM sur leurs négociations annuelles, appelle « le fantasme de l’autre » en négociation.

Qu’est-ce que le fantasme de l’autre ?

Pour faire simple, le fantasme de l’autre consiste à vouloir changer l’autre, et à considérer que, si la négociation devait échouer, ce sera parce que l’autre n’aura pas ce qu’il faut pour qu’elle aboutisse. C’est aussi le fantasme que je peux contrôler l’autre, que je peux lui faire faire ce que je veux.

Illustrons par un exemple : J’envoie une proposition à un client qui me répond que ce n’est pas du tout ce qu’il voulait. Comment est-ce que je reçois cela ? Est-ce que le je reçois de façon lucide, en lui demandant très simplement ce qu’il attendait ? Ou alors est ce que je me mets en défense en argumentant sur le fait que pourtant, j’ai suivi scrupuleusement le cahier des charges ? Ou alors est-ce que je projette ce qu’il voulait et je lui propose directement plus de conditions, plus de services, etc… Dans tous les cas je rejette la faute sur l’autre !

Quels sont les risques ?

  1. Avant tout perdre le fil de son objectif – si je rentre dans la justification, je suis sur la défensive  et je ne suis plus, ni dans la relation à l’autre, ni dans la recherche de solutions qui conviennent aux deux.
  2. Mais aussi une perte de lucidité :  la confusion s’installe dans mon esprit – je commence à me faire des films sur ce que veut l’autre, je ne suis plus connecté à la situation présente, et encore moins à ce que veut réellement mon interlocuteur. Cela peut aller jusqu’au clash dans la négociation.

Un autre exemple que vous avez certainement déjà vécu : prenons un client avec lequel je négocie depuis un certain temps, et nous avons nos habitudes, comme commencer par une discussion informelle autour d’un café. Et puis un matin, pas de café… Qui ne s’est pas fait un film à cet instant précis, ce film contenant certainement le scénario suivant :  là, je vais passer un mauvais moment… ?

Comment éviter de tomber dans le piège du fantasme de l’autre ?

  1. Avant de rentrer en négociation, soyez au clair sur 2 aspects : Ce que vous voulez en termes d’objectifs et dans quelle intention vous abordez ce rendez-vous. Réfléchissez ensuite au type de comportement que vous choisissez de mettre en oeuvre :  Est-ce que mon attitude va être coopérative, ou plutôt rentre-dedans. En ayant défini ainsi votre comportement souhaité en amont, vous aurez plus de chances d’être fidèle à cette intention.
  2. Et décidez d’abandonner le fantasme de l’autre et de la toute puissance : Acceptez que l’autre ne réagira pas forcément comme vous vous l’imaginez.
  3. Dans le face à face, donnez la primeur à la relation avant l’objectif. Tout particulièrement dans les 1ers instants, soyez extrêmement disponible à l’autre, écoutez-le, n’essayez pas de tout contrôler. Ainsi, soyez prêt à reporter un entretien, ou une prise de commande face à un interlocuteur qui vient de se faire admonester par sa hiérarchie sur son niveau de stock trop élevé… et ce même si vous êtes convaincu que votre interlocuteur a besoin de cette commande.

Si vous êtes étonné, choqué par ce que dit votre interlocuteur, voire si vous vous sentez agressé, faites preuve d’ouverture. N’hésitez pas à dire les choses simplement « Je suis perplexe, étonné, choqué, embarrassé… », par exemple. En faisant preuve d’ouverture, vous vous accordez une vraie place dans la négociation, tout en laissant toute sa place à l’autre, gage d’une négociation vraiment coopérative.

Pour conclure, je partage avec vous cet adage qu’Etienne Basse a fait sien : « Si la négociation était si simple, on enverrait des singes avec des ardoises ! ».